Angoulême est une ville au charme ambivalent, perchée en haut d’une petite colline, elle donne souvent accès à de nombreux points de vus. De ses hauteurs, l’observation des alentours rend comme nostalgique. Une nostalgie d’un temps qui peut-être n’a jamais existé, où regarder l’horizon ne consistait pas seulement à observer des bâtiments à l’éclat passé. Mais on le sent, il y a toujours quelque chose dans cette ville… C’est certain, ses attraits se situent quelque part dans son atmosphère paisible, dans ses rues commerçantes à l’allure médiévale ou dans ses potentielles ballades doucereuses le long de la Charente. Car tous ces aspects résonnent d’une jolie manière dans nos esprits, même s’il peuvent tout autant signifier le profond ennui. N’allez toutefois pas d’emblée penser qu’il s’agisse d’une mauvaise chose. L’ennui est fréquemment cité comme l’un des éléments essentiels à la créativité. Pensez donc qu’on retrouve à Angoulême plus ou moins 200 auteurs de bandes dessinées.
C’est qu’on doit s’y ennuyer ferme !
Bien entendu, tout cela doit aussi avoir un rapport avec l’accueillante maison des auteurs qu’on retrouve à Angoulême ainsi que son fameux festival international de la bande dessinée. Mais notons que la première ne dispose évidemment pas de 200 places et que le second ne dure qu’un week-end dans l’année.
Ainsi, les raisons précises qui ont amené ces artistes à vivre à Angoulême, nous ne les connaissons pas, mais il n’est pas trop présomptueux d’affirmer que le 9 e art sait s’y épanouir.
Tout au long de l’année, on peut notamment y croiser Benoît Preteseille ( auteur Atrabile, co-créateur des éditions Warum, fondateur des éditions Ion ), Julie Staebler ( illustratrice & créatrice de Biscoto édition ), Léa Murawiec ( éditrice du Flutiste & future autrice aux éditions 2024 ), Yoon-Sun Park ( autrice éditée notamment chez Misma ), mais aussi, l’homme qui nous intéresse aujourd’hui : Lucas Methé, auteur aux éditions ego comme x & Actes Sud, ainsi que créateur du fanzine Tchouc Tchouc.
Commençons, pour présenter son projet, en citant l’édito de son septième et dernier numéro :
«( … ) car ce qu’ils font est fait
avec amour et qu’il est bon que l’amour
soit partagé, n’est-ce pas ? »
Déjà, ce bout de phrase, il nous plaît bien. Et puis, il semble représenter certaines des caractéristiques fondamentales du fanzine de Lucas : présenter son œuvre ainsi que le travail d’auteurs qu’il aime et dont les dessins méritent d’être publiés. Toutefois, de l’aveu même de son fondateur, il n’y avait pas que de la joie et de l’allégresse au moment de sortir le premier Tchouc Tchouc il y a trois ans. Pour des raisons qu’il est aisé de saisir, cet auteur chevronné ne considérait pas le retour à la microédition comme une consécration. Il s’agissait d’abord d’un biais pour exposer ses idées dessinées au public sans avoir à passer par l’aval d’éditeurs un peu trop frileux envers son travail à ce moment-là. Et puis, en retombant sur de vieux numéros de Charlie Mensuel, L’Écho des Savanes et Métal Hurlant, l’idée de suivre la voie de ces grandes revues aujourd’hui disparues alimenta un peu plus son désir de se lancer.
Alors il appela quelques copains dont le travail l’enthousiasmait, et qui, parce qu’ils sont réservés et/ou qu’ils produisent peu, ne voient que rarement leurs dessins sortir au grand jour. Il n’y a jamais de thème imposé, la seule consigne étant de faire parvenir les créations souhaitées à Lucas, en n’écartant pas celles réalisées uniquement pour soi-même. À ses amis s’ajoutent des artistes repérés par Lucas et qui s’intègrent facilement à la ligne éditoriale de Tchouc Tchouc. Si l’on cherche à comprendre cette dernière, aucune explication ne peut-être textuellement produite, pour la saisir, il faut se plonger dans ses pages. Et on le fera sans déplaisir, car le résultat final est réellement enthousiasmant, Tchouc Tchouc est un fanzine à la sélection particulièrement soignée, aussi variée que cohérente, et qui donne l’impression de venir d’un autre temps.
Après sept numéros, Tchouc Tchouc s’arrête, au moins pour une longue période. Mais nous sommes ravis d’avoir pu trouver en 2019 deux ouvrages de Lucas Methé sur les étals de nos librairies de bandes dessinées préférées, Papa Maman Fiston édité chez Actes Sud ( dans la sélection du FIBD d’Angoulême 2020 ) et Les mystères de Jeannot & Rebbeca avec François Henninger au dessin ( également contributeur de Tchouc Tchouc ), édité à L’atelier du poisson soluble qu’on retrouve également dans la sélection des pépites du salon jeunesse de Montreuil 2019.
Les liens :
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