On le sait, les frontières sont fermées, les déplacements sont limités, blablabli, blablabla …Bizarrement, Un Fanzine par Mois n’y entend rien. Tous les soirs, à 20 h pétantes, on s’installe pourtant tous confortablement dans nos vieux fauteuils de cuir pour profiter des informations du journal télévisé. Mais, à peine le programme est entamé qu’Un Fanzine Par Mois pointe déjà son doigt vers l’écran en se plaignant de l’état de notre société et des médias qui font leur beurre sur la misère du monde. On gueule, mais on n’écoute pas. Alors on fait tout de travers et au pire moment, on décide de transformer notre abonnement en association internationale. Histoire de voyager quoi … on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a …
D’autant que niveau dépaysement, ça s’est avéré plutôt limité sur ce coup-là. C’est à Paris que nous avons rencontré Léa Jarrin et, alors que nous croyions faire débarquer la Belgique chez nous, c’est la Savoie que nous avons invitée …
Mais je raconte mal l’histoire… Léa vient de Savoie oui, mais elle fait aujourd’hui ses études à Bruxelles, à l’institut Saint-Luc, école prestigieuse où l’on peut notamment rencontrer des professionnels de l’édition BD, des auteurs comme Éric Lambé (Fauve à Angoulême en 2017 pour Paysage après la bataille réalisé avec Philippe de Pierpont), ou des éditeurs de maisons d’édition comme Frémok ou L’Employé du moi… Des gens qui proposent une bande dessinée intelligente, alternative et valorisent une idée du neuvième Art que nous chérissons… Toutefois, nous le répéterons autant de fois qu’il le faut : on aime toute la bande dessinée et on ne crachera jamais ni sur Blake & Mortimer ni sur One Piece, ni même sur Prince Vaillant. Ça n’a, en vérité, aucun rapport : je voulais simplement en placer une pour ces petits chouchous.
Après avoir un temps pensé du fond de son adolescence savoyarde que « La bande dessinée c’est nul, il faut faire de l’art » Léa s’est finalement extirpée de ses songes pubères pour réaliser qu’elle préférait dessiner des cases et des histoires. Elle aura tenté, quelques années, d’expérimenter aux cours d’études d’Art plastique à St-Étienne avant de trouver sa voie. Et c’est ainsi qu’elle atterrit à Bruxelles.
Ô Bruxelles ! Ville de bande dessinée où se dresse fièrement son musée… Ô Bruxelles ! Toi qui habilles tes murs de la Marque Jaune, de Milou, d’Haddock & de Tintin… Tout cela est vrai mais non, ce n’est pas de ça dont nous voulons parler… À Bruxelles se trouve un lieu que nous avons déjà évoqué : les ateliers du Toner. C’est là-bas qu’a notamment été imprimé le très joli Sprinkle, fanzine d’illustrations érotiques réalisées par des femmes et distribué par UFM en août 2020… Notre article présentait rapidement lieu et l’idée que nous nous en faisons aujourd’hui se fait un peu plus de clarté. Outre la possibilité d’imprimer et de façonner ses ouvrages (grâce à des machines mises à disposition), d’apprendre à le faire, de dénicher, d’acheter et d’échanger des fanzines, il semble que cette institution bruxelloise située dans un ancien musée et partagé avec un club de poètes surannés soit aussi, et en toute logique, un prodigieux lieu de rencontres. Une sorte de plaque tournante de la microédition où Léa se souvient avoir discuté avec des gens qu’elle admire et où elle pourra bientôt – ou peut-être même est-ce déjà le cas ! – parler avec des gens qui l’adulent.
Rainbow Cat a été imprimé aux ateliers du Toner et est édité par la structure arborant le doux nom de Stachmoule. Ce collectif en mixité choisie est parti de l’initiative de trois membres de Contrôle Turbo (autre structure dont nous avons édité un fanzine). Sans fuir Contrôle Turbo, Léa, Makaki & Eleonore Marchal ont voulu développer un espace créatif pour valoriser leurs voix, trop souvent recouvertes par celles de leurs camarades masculins, et promouvoir le travail de femmes et de personnes trans. Parce qu’elles n’ont pas peur de se compliquer la tâche et qu’il s’agit pour elles de toujours rester fidèles à leurs idéaux, la structure est « hyper démocratique ». Chaque membre a son mot à dire et aucune décision n’est prise sans l’accord de toutes les autres. Le résultat : un souk de qualité, produit volontairement, et pour la bonne cause. En plus des deux titres déjà édités – un petit ouvrage composé d’illustrations sérigraphiées et Rainbow Cat, que Léa a pu évoquer en ces termes : « mille meufs qui s’emballent et en même temps qui s’embrouillent » – Stachmoule prépare un fanzine collectif. Contenant onze histoires de « premières fois », le livre naviguera entre douceur, drame et sera entrecoupé de scénettes mettant en scène des « nonnes bourrées dans les chiottes ». Tout cela sonne terriblement décadent et, rien que pour me venger de mes années passées à Saint-Brice, Sainte-Marie & Saint-Gabriel, j’ai hâte de pouvoir participer au futur financement participatif…
En ce moment, en plus de Stachmoule, en plus de son implication dans Contrôle Turbo, en plus de son stage chez « Du noir sous les ongles » (maison d’édition dans laquelle elle a également signé une bande dessinée journalistique), Léa prépare sa bande dessinée de fin d’études. Un récit initiatique sur la construction de soi, un projet sensible teinté d’humour pour aborder la complexité des relations humaines et déconstruire quelques préjugés… Bon je ne l’ai pas lu, mais c’est ce que j’en ai compris. Léa va me relire, elle pourra me corriger. Mais ce qu’elle ne me fera pas retirer, c’est qu’on a hâte de la lire parce que c’est une certitude : elle sera éditée.