«UN FANZINE PAR EUX»
Ce mois-ci, peut-être l’aurez-vous compris, nous distribuons un fanzine que nous avons édité. Alors, parce qu’il est important de se faire mousser et que nous aimons par-dessus tout regarder nos reflets dans le miroir, nous avons appelé Maël Rannou pour qu’il parle de nous. Grand Chef de la microédition, Saint Patron du fanzinat, hyperactif reconnu, bibliothécaire, thésard, journaliste, scénariste, dessinateur, éditeur…
Maël est partout, jusque dans notre fanzine et dans les lignes ci-dessous :
Quand j’ai rencontré UN FANZiNE PAR MOIS, j’avais parlé dans un article de « Trois jeunes chiens foufous », termes sans doute un peu excessifs liés à leur enthousiasme lors du festival Fanzine ! et à la distribution effrénée d’autocollants. Au fait aussi qu’ils ne semblaient guère se soucier de gagner d’argent malgré le cursus en école de commerce de l’un d’entre eux. Yann assume, il ne connaissait d’ailleurs pas grand-chose aux fanzines avant le début de l’association. La découverte de ce réseau en salon est « une dinguerie ! [ … ] Quand tu vis au fin fond de la campagne nantaise tu n’as aucune chance de croiser un fanzine de ta vie. » [ NDA : ou Mayennaise, je vous le confie ] Face à cette découverte, une envie, faire découvrir ce qu’ils sont eux-mêmes en train de découvrir. Ils se lancent, avec un abonnement à 10,99€, grâce à un plan obscur comprenant des envois postaux gratuits permis par une relation amoureuse passée. D’ailleurs, au bout d’un moment un des trois compères s’en va aussi, emportant avec lui la carte TGV Max nominative lui permettant d’aller chercher des zines dans toute la France. Le monde n’étant pas encore zoomteamjitsisé Yann & Jean se retrouvent bien en galère, mais tiennent leur projet et leurs engagements.
Heureusement, voici que Jules passe par-là. En entendant que Jean fait toutes les maquettes des bonus de l’abonnement sur Photoshop, sa curiosité professionnelle est attisée…
Qu’est-ce
que cela
peut donc donner ?
Cela va-t-il révolutionner sa pratique ? Finalement, son petit cœur de graphiste manque de s’arrêter et il propose aussitôt ses services pour réaliser la maquette de l’interview jointe avec chaque zine. Possédant une machine riso, il tire aussi un temps les quelques 70 exemplaires manuellement, pour réduire les coups. Puis il refera aussi tout le site ( avec moins de gens tout nus ). Puis le compte Instagram tient. Les revoilà trois à partager leur non-salaire.
La pratique est désormais rodée, chacun des trois copains peut proposer un zine pour un futur envoi, mais c’est plus souvent Jean, qui propose. Chaque zine est accompagné d’un article-entretien rédigé par Yanna. Jules maquette donc le tout et s’occupe de la communication web. Les couvertures sont la plupart du temps dessinées par Jean, mais cela peut changer, Jules en a fait quelques-unes, il faut dire que l’impression riso a été déléguée à Fidèle après l’envoi d’un de leurs fanzines, et il ne faudrait pas que le nouveau compère s’ennuie.
L’interview, très rédigée, dans un style unique et un peu imbitable qui ressemble un peu au mien ( et là d’autant plus que je tente un peu d’imiter le leur alors que j’écris déjà en des flots incompréhensibles ), est une marque de fabrique pensée dès le début. Les amis ne se voulaient pas une simple centrale de distribution, mais bien faire connaître ce qu’ils découvraient, d’où cet ajout à chaque numéro, dont le format et la couverture rendent toujours hommage au fanzine envoyé. Au-delà de nourrir le lecteur, cela répond à la propre curiosité du trio, qui put un temps découvrir le monde grâce aux fanzines ( ou tout du moins Bordeaux, Toulouse, Angoulême, Laval… ). Puis bon, le monde s’est rétréci d’un coup, même si l’un d’eux vit désormais à Berlin.
Pour rentrer dans les comptes : nos business angel ont affiné le modèle depuis la création, les 10,99 € initiaux ne couvrant plus les achats de fanzines ( car oui, ils paient correctement ) et les envois postaux. Une chose résumée par Jean : « Une fois on a dû aligner de notre poche. ». Une augmentation modérée a permis de rendre le truc vivable. Il n’y a pas d’étude sociologique des abonnés, mais ils sont presque 70, avec beaucoup moins de famille et d’amis qu’avant et pas mal de nouveaux arrivants venus d’Instagram. Cette augmentation du nombre d’abonnés a aussi une limite : au-delà d’un certain nombre, cela pourrait représenter un tirage entier et le but initial d’un zine n’est certainement pas de ne répondre qu’à une commande.
Une
option
d’évolution ?
Qu’avec la cagnotte légère ils puissent parfois aider au financement d’exemplaires en plus, coproducteurs et mafia globalisante rachetant des parts de chaque fanzine ? Ils n’y sont pas encore. Une évolution à des zines internationaux est évoquée, des allemands, car Jean peut les récupérer, des japonais ont été envisagés, mais la logistique semble encore sacrément complexe et tout ça n’est pas tout à fait au programme.
Enfin, parlons des règles qu’il se sont données pour sélectionner leurs fanzines. Elles aussi évoluent. À la base, le choix des fanzines se portait sur trois critères :
(1) Ne distribuer que des ouvrages collectifs, afin de faire découvrir un maximum d’artistes et éviter qu’un abonné ne reçoive quelque chose qui lui déplaise entièrement.
(2) Pas d’édition directe par Un Fanzine par Mois.
(3) Pas un même éditeur deux fois.
La première règle est enfreinte depuis longtemps, disons qu’ils ont évolué, et le public suit. Puisqu’il y a de plus en plus de zines d’auteurs en solo, faire l’impasse était en effet un peu dommageable à long terme. La deuxième règle est complètement explosée aujourd’hui, comme en atteste ce numéro organisé, créé et publié par eux, pour célébrer pas vraiment un anniversaire, mais enfin quelque chose de ce genre… Quant à la troisième règle, elle est toujours appliquée, mais étant moi-même l’éditeur d’un des fanzines qui a été diffusé quand il n’y avait que 20 abonnés je ne serai pas contre en rediscuter parce que j’ai un peu l’impression de m’être fait blouzer…
Fanzines partout, toujours !
Maël Rannou,Fanzineux
( Gorgonzola, Ceci est mon corps )
et rédacteur de textes divers
sur les fanzines devant l’éternel