Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
Berbolgru,
…
Ce n’est pas forcément facile à retenir, mais c’est rigolo à dire, non ?
Dans la bouche, ça fait un peu comme quand, juste après avoir senti la caresse du miel fondu dans la chaleur d’une eau infusant des feuilles de thym, on croque maladroitement une gavotte subtilement caramélisée. C’est l’alliance de saveurs et de textures disparates qui, ensemble, donnent quelque chose de neuf et d’agréable. C’est doux et curieux à prononcer. Essayez.
Mais arrêtons de nous polir la colonne avec tout ce langage ! Berbolgru, ça n’évoque pas seulement la douce délectation provoquée par la dégustation d’une glace à l’italienne pendant un torride après-midi d’été. Non. C’est aussi et surtout le nom d’une maison de microédition fondée par deux amis dont les âmes sont à jamais liées : Tristan Séré de Rivières & François Moll. Le travail de la structure se construit principalement à travers la revue Madame, dont vous recevez le numéro 6, sorti en 2017 et dernier en date. Mais quand le temps, les rencontres et l’envie le permettent, le collectif s’attelle aussi à de jolies monographies. L’une d’entre elles, notamment, est l’œuvre d’Emilie Gleason. Sous l’intitulé Slapinbag, elle compile dans un petit livre ses rêves capturés après un réveil quotidien établi à 5 heures du matin. Si le nom de cette dame vous dit quelque chose, c’est peut-être parce qu’elle a cette année gagné – et amplement mérité – le prix révélation d’Angoulême avec son Ted, Drôle de Coco édité chez Atrabile. Et puis tant qu’on est sur le sujet des artistes lauréats, vous noterez que la couverture est signée Brecht Evens, auteur dont le talent éblouit à chaque intervention. Lui aussi a été récompensé à Angoulême en 2019. Avec son livre Les Rigoles édité chez Actes Sud, il est reparti accompagné du prix spécial du Jury.
Nos amis de chez Berbolgru ont du nez pour repérer de futurs récompensés de la BD. Pourtant, ne vous y trompez pas ! La sélection ne prend pas en compte ce genre de considérations mondaines. D’abord, Madame, ce n’est même pas de la bande dessinée. Enfin, c’est vrai, il y en a dans le numéro 6, mais c’est une exception. Car l’ambition, plus ou moins réalisé, est de produire un genre hybride déserté des étagères des librairies adultes : le texte illustré. Ainsi, vous retrouvez dans Madame le travail de 10 écrivains accompagnés de 26 illustrateurs en plus de 2 photographes. Les diverses compétences se lient alors pour former de multiples propositions atypiques, quoique finalement simples dans leurs formes.
La sélection des auteurs ne se fait pas à partir d’un thème imposé. Le tri est opéré par les esprits des fondateurs du fanzines et la ligne éditoriale se dessine donc quelque part, entre cet espace mystérieux et indéfinissable que l’on nomme la subjectivité et le maelstrom d’idées soumises, retenues puis finalement couchées sur le papier de l’ouvrage terminé. Prêtez attention, si vous y pensez, à l’ordre des histoires, à son organisation. S’il n’y a pas de thème, on trouve néanmoins une ligne conductrice derrière le travail éditorial de l’équipe Berbolgru, comme un message caché dans la disposition finale de l’ensemble des productions.
Autant vous dire qu’ils peaufinent leur démarche nos gaillards ! Ils travaillent avec leurs têtes, et pour le prouver un peu plus, ils signent comme auteurs dans chacun des Madame. D’ailleurs, tandis que ce numéro 6 représente l’apogée de la démarche collaborative du fanzine (jamais il n’y avait eu autant d’artistes participants), le prochain numéro sera un retour aux sources, ce qui le conduira à l’épure. Tristan & François en seront les uniques rédacteurs, la pagination sera moins élevée, le nombre d’artistes illustrateurs ou photographes sera largement réduit. L’idée étant qu’à travers l’ADN de Madame – un A5 composé de textes et d’images liés à différents degrés – l’exercice et l’objet soit perpétuellement renouvelés.