Un Fanzine par Mois — rencontre & raconte :

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Louis Lanne, Compost

Êtes-vous familier du travail de Jimi Hendrix ? Personnellement, je ne l’écoute pas si souvent, mais à chaque fois que je m’y mets, cela me fait le même effet. Au départ, je ne comprends pas. Sa musique m’apparait comme un brouhaha fumeux dans lequel rien ne ressort, mise à part peut-être une sorte d’énergie animale. Mais je tâche tout de même d’être plus attentif, je m’efforce d’écouter en triant les sons, je veux comprendre la force de sa musique et ses intentions. Le type a une réputation, il la tient depuis déjà quelques décennies et ce n’est certainement pas pour rien. Il mérite bien que je fasse un petit effort… Et cet effort paye la plupart du temps car à force de me concentrer, je commence à saisir la beauté. Derrière ce que je croyais être un capharnaüm, je perçois la folle élégance, je vois les doigts voyager sur le manche et j’imagine parfaitement pourquoi certains y voient le génie.
Quand mon ami Jean, membre éminent d’Un Fanzine par Mois, m’a parlé de Louis Lannes, il l’a comparé à Jimi Hendrix. Ce dernier n’a pas encore 27 ans, on espère qu’il ne finira pas dans son vomi et on ne voudrait certainement pas lui mettre la pression. Mais il y a en effet chez ces deux garçons, en plus d’une production pléthorique ( rappelons que Jimi sort toujours de nouveaux albums 50 ans après sa mort ) un peu de cette folie créative qui, dans un premier temps, fait croire au fouillis.

Peux-tu nous dire un peu
qui tu es, d’où tu viens,
ton parcours & où tu en es…

J’ai vraiment commencé mon cursus artistique en Belgique ou j’ai fait mon lycée dans une formation de publicitaire à St-Luc Tournai. Je suis ensuite rentré à Paris à l’École Estienne en DMA illustration puis à Auguste Renoir en FCND (Formation Complémentaire Non Diplômante) puis j’ai fait un an aux beaux-arts de Limoges. Je suis maintenant aux Beaux-arts de Paris ou ma pratique s’oriente plus vers la peinture tout en gardant une composante autoédition.
Parler de mon cursus scolaire est toujours un peu fastidieux car j’ai pas mal bougé mais c’est une bonne façon d’expliquer mon cheminement artistique et mes références.

On sent que tu aimes bien la bande dessinée, que tu y pêches des références.
Mais ça va aussi chercher bien au-delà.
C’est quoi tes influences et, où vas-tu plus globalement chercher tes idées ?

C’est vrai que mes références viennent d’abord de la BD. Parmi elles, les architectures de Schuiten, le trait de Blutch & Olivier Schrauwen un peu plus récemment.
Même si je ne fais plus trop de BD j’ai gardé une certaine dimension narrative dans mes images. Le cinéma est aussi une source importante. Les atmosphères de David Lynch, les personnages de Fellini, l’absurde chez Bertrand Blier… J’essaie toujours d’insuffler dans mon travail ce sentiment de décalage un peu inquiétant.

Tu as imprimé beaucoup de fanzines, qu’est-ce qui te pousse à produire autant
de livres papiers quand on pourrait
te dire qu’un compte Instagram,
c’est déjà bien suffisant ?

Mes livres répondent souvent à des envies que j’ai sur le moment. Si j’ai le désir de me replonger un peu dans la BD, je peux me permettre d’inventer une série fictive et de la commencer directement au numéro 647. Je peux avoir des envies de couleurs complètement fluo ou de noir & blanc, la riso rend tout cela réalisable malgré les contraintes techniques. Je ne pense pas que ça soit l’objet livre en lui-même qui m’intéresse tant que ça, je fais toujours simple en termes de forme et de façonnage pour surtout me concentrer sur le dessin et la couleur. Avec la riso, il faut penser son image en superposition de couches et anticiper ce que donneront les couleurs, c’est un peu un casse-tête. Mais une fois que j’imprime et que je vois que le résultat est conforme à ce j’attendais tout en ayant ces petits imprévus propres à la riso, je suis ravi.
La machine en elle-même ressemble à un gros jouet, il y a des gros boutons et des petites molettes de partout et le fonctionnement est très simple à comprendre. Quand on passe ses journées à peindre, à réfléchir et à galérer sur des toiles de grands formats, retourner de temps en temps sur une bonne vieille imprimante riso bien carrée est presque reposant.
Pour Instagram, je vois ça surtout comme une façon de montrer mon travail et, à la limite, de rencontrer des gens. Ce qui n’est pas vraiment le cas pour mes livres car un fois qu’ils sont imprimés ils ont leur existence propre et je passe à autre chose. C’est peut-être pour ça qu’il m’arrive d’oublier d’y faire figurer mon nom comme un gros imbécile.

Tu as gagné le prix jeune talent d’Angoulême en 2019,
est-ce que ça t’a fait réaliser certaines choses et ouvert quelques portes ?

J’ai eu la chance de travailler sur la scénographie du Pavillon Jeunes Talents de l’édition 2020 du festival d’Angoulême. L’équipe qui organisait était très sympa, ça a été une super expérience. Je me souviens que j’étais allé au festival vers mes 13 ans et que je voulais participer à ce concours mais qu’il était réservé aux « grands ». C’est aussi pour ça que gagner ce prix presque 10 ans plus tard a été une vraie fierté pour moi. 
Après avoir participé au jury du concours de l’année suivante, je me suis rendu compte du nombre de participations et de la difficulté que c’était de choisir des lauréats car il y a beaucoup de belles choses. Cela crée pas mal de débats et les sélections ne tiennent souvent pas à grand-chose, donc il ne faut pas oublier que le facteur chance est aussi important.

Quand on regarde un peu comment a évolué ton travail, on sent que tu as dernièrement choisi une voie.
Tu fais de la riso avec un nombre incroyable de passages, c’est explosif, c’est exubérant, c’est un peu expérimental.
Quand on regarde tes anciennes publications, c’est plus « sage », tu saurais expliquer ce cheminement ?

Je pense que, tout bêtement, mes sujets changent & évoluent en même temps que ma façon de travailler. En fait la riso ne représente qu’une partie de mon travail. Dernièrement je me consacre surtout à la peinture, mais c’est quelque chose de frais pour moi que je ne montre pas encore trop.
Passer d’écoles d’Arts appliqués aux Beaux-arts contribue certainement à m’autoriser à aller davantage vers l’abstraction, en tout cas dans mes compositions, tout en gardant une base de dessin figuratif.

Est-ce que tu voudrais dire quelque chose au lecteur qui va se plonger dans Compost ? Et puis éventuellement ajouter un mot son ton confinement et sur l’impact que ça a eu sur ta création.

Un peu avant le premier confinement, j’ai eu l’occasion de feuilleter Manga d’Hokusai qui est une sorte de recueil de dessins sur tout un tas de sujets complètement différents. D’une page à l’autre peuvent se côtoyer des monstres marins comme des légumes, les croquis ne forment pas une histoire, mais traitent de sujets séparés les uns des autres. L’ensemble s’étire sur 15 volumes réunissant plus d’un millier de dessins qui prend la forme d’une encyclopédie visuelle du Japon de l’époque.
Lorsque le moment de s’enfermer chez soi est venu j’avais cette idée en tête de faire une édition en noir  &  blanc avec la même liberté que Manga, rien que du dessin, sans histoire, sans couleur.
Dans Compost, il ne faut pas essayer de déceler un sens ou une narration, c’est une petite « encyclopédie » personnelle de dessin. Des images absurdes, parfois abstraites se succèdent dans des styles différents, elles se mélangent et s’associent. L’idée était de réunir toute cette production d’une cervelle sous confinement, de touiller et de laisser macérer comme pour faire un bon compost.

rédigé par ☞ Yann Quelennec
Louis Lanne Composte x Un Fanzine par mois

( Parfois indisponible dsl. )