Ce mois-ci, Un Fanzine par Mois vous emmène au Royaume-Uni. Alors oui, nous en sommes conscients, c’est très certainement l’un des pires moments pour se mettre à l’international, mais Decadence trottait dans un coin de nos têtes depuis longtemps. Il y a quelques années, au détour d’une allée du festival Fanzine !, nous nous étions épanchés sur leurs travaux pour ne jamais les oublier. Maintenant que j’y repense, le stand de ces anglais aux travaux inspirés par les belles années de Métal Hurlant avait vraiment quelque chose de singulier. Dans ce paysage français du fanzinat arty aux accents élitistes, ils étaient les seuls à faire perdurer un héritage franco-belge délaissé. Peut-être est-ce cet écart de production qui nous a permis de les retenir ? Nous pensons plutôt devoir mettre en cause les univers qu’ils créent grâce aux dessins. Pour comprendre, on vous laisse regarder.
Pour cette nouvelle interview, nous avons procédé par mail et nous vous proposons ici une traduction de notre entretien en anglais.
Comment s’est formé Decadence ?
Decadence a commencé en 2003 avec une anthologie réalisée par moi (Dave) & Stathis Tsemberlidis. Nous voulions créer un lieu pour expérimenter autour de notre pratique de la bande dessinée mais aussi rencontrer d’autres artistes que l’idée pourrait attirer… Avec Stathis, nous nous sommes rencontrés alors que nous étions étudiants, Stathis vient de Grèce (le Royaume-Uni et la Grèce) et on avait souvent des conversations axées la politique, la philosophie… On a aussi vite réalisé qu’on avait des gouts similaires en matière de films et de BD. Je pense que les premiers numéros ont pour nous fait office de bac à sable, ils nous ont permis de comprendre comment réaliser des histoires courtes. Puis Decadence est devenu une maison d’édition pour nos fanzines autant qu’un moyen de promouvoir d’autres projets comme des films, des expositions et plus récemment le développement d’un jeu vidéo.
À quoi vous sert la maison d’édition ?
Quand on a commencé, on n’arrivait pas à trouver des publications pouvant ressembler à notre production : ça nous a donc paru logique de nous auto éditer. Les limitations induites par l’impression noir & blanc sur photocopieuse et le manque d’argent nous ont poussés à être créatifs avec le format fanzine. J’aime raconter des histoires et je crois que c’est plutôt raccord avec l’autopublication et le côté « livre bon marché ». Il y a nettement moins de pression quand on décide d’imprimer beaucoup de copies et ça ouvre la voie à l’expérimentation tout en rendant l’objet accessible à plus de gens.
Peux-tu te présenter ?
As-tu d’autres projets en dehors de Decadence ?
Je m’appelle Dave, je vis à Londres d’où je dirige la majorité de la distribution de nos livres. La plupart de mes ouvrages sont publiés via Decadence ou sont intégrés à d’autres anthologies. Et parfois, je réalise des illustrations pour d’autres personnes.
Elle est comment la scène de la microédition en Angleterre ?
C’est difficile à dire en ce moment parce que tout est en train de changer et on ne sait pas comment on va retrouver le monde après la pandémie. Mais on a eu la chance de voir émerger à Londres et dans d’autres villes une superbe scène de la microédition. En intégrant ce petit monde autour de l’année 2007, on a compris que nos livres pouvaient intéresser pas mal de gens et puis ça nous a aussi permis de rencontrer beaucoup d’autres artistes. Pendant cette période, et encore plus à ses débuts, ça paraissait extrêmement complexe d’intéresser un éditeur avec les travaux que nous produisions. Ça nous a poussés à comprendre comment faire les choses nous-mêmes. Certaines librairies telles que Gosh ! Comics – c’est là où Breakdown press a fait ses débuts – ont toujours soutenu la microédition. Ça nous a beaucoup aidé.
Vous avez réalisé un ouvrage avec Breakdown Press, pouvez-vous nous en dire plus ?
Breakdown a édité Gardens of Glass. C’est une compilation d’histoires courtes réalisées entre 2009 & 2014 que nous avions déjà publiées dans nos fanzines. Deux des récits les plus ambitieux, Olympic Games & Pyramid Scheme ont d’abord était imprimés chez moi et reliés à la main. J’en ai monté environ 300 de chaque, mais c’était vraiment chronophage. J’étais ravi de pouvoir voir ces deux histoires imprimées dans un recueil sans avoir à les produire moi-même. Ça m’a permis de pouvoir continuer à les partager avec du monde.
Il semble que vous appréciez le travail de Mœbius & Miyazaki.
Pouvez-vous nous parler de vos influences ?
Je pense que, de façon plus générale, les histoires qu’on pouvait trouver dans Métal Hurlant autant que la manière dont le magazine était produit ont été deux grandes sources d’inspiration pour Decadence. Quand j’étais un ado passionné de BD, ce n’était pas vraiment possible de tomber sur ce genre de revues. Mais, étant donné que beaucoup d’histoires étaient publiées en Grèce, ça a eu un impact bien plus grand sur Stathis. En réalité, de mon côté, je lisais plutôt des mangas de science-fiction. Katsuhiro Otomo par exemple, a beaucoup été influencé par Mœbius et son influence a infusé chez moi par le biais des travaux d’Otomo. L’une de ses histoires que je préfère s’appelle Flowers, elle est tirée de son recueil Memories. Contrairement à la majorité de son travail, Flowers est en couleurs et l’influence de Mœbius se fait ici grandement ressentir. C’est une BD plutôt glauque et, à la lecture, j’ai été vraiment terrifié. Miyazaki, oui, lui aussi est génial. J’adore ses premiers films, Le Château dans le ciel, Nausicäa (le manga du même nom également d’ailleurs) et la vision écologique qu’ils portent.
Qu’est-ce que vous diriez à quelqu’un qui va s’emparer de vos fanzines ?
J’ai adoré expérimenter avec ces BD. J’ai tenté de représenter de brêves études scientifiques venues d’un autre monde. J’espère que les lecteurs apprécieront !