L’Oracle de Delft de Clement Vuillier
Mon histoire avec les éditions 3FPJ ( dire Trois Fois Par Jour ) commence en 2016, année de mon entrée dans le monde de l’édition de bande dessinée. Pour mon premier jour de stage chez l’éditeur de manga IMHO, je me retrouve avec plaisir derrière une table d’exposition à l’incroyable festival de Colomiers. À quelques mètres de moi, je peux voir un stand doublé d’une exposition consacré et tenu par un micro-éditeur que je ne connais pas. Vous l’aurez saisi, cet éditeur, c’est 3FPJ. À l’époque, l’un de ses membres & fondateurs, Clément Vuillier sort la deuxième édition de Nous partîmes 500 . Cette beauté méritait bien d’être un minimum exposé et c’est donc lui qui est le plus mis en avant ce jour-là. Je me souviens parfaitement de mon enthousiasme face à ce travail que je découvrais. C’était beau, nouveau, différent et peut-être même un peu trop pour le moi de l’époque. Toujours est-il que cela m’a marqué.
Je ne savais pas que l’année suivante, 3FPJ après sept années de service, allait vivre un hiatus de trois ans. Débuté en 2010 à l’initiative d’Idir Davaine, Clément Vuillier & Aurélien Cantou, – tous étudiants en 4e année des Arts-déco de Strasbourg ( on connait l’histoire ) – la structure sert d’abord de plateforme et de réceptacle aux divers travaux de ses créateurs qui s’inquiètent de voir l’époque des études et de l’insouciance bientôt s’achever. Il est temps pour eux de s’afficher, de faire valoir leurs travaux et 3FPJ remplira cet office. Toutefois, le concept de la maison ne peut être réduit à ce simple état de fait. L’idée se prolonge dans l’exploration des formats, techniques et possibilités avec lesquels le livre permet de jouer. Il s’agit de réaliser des ouvrages qui s’apparentent à des objets d’arts ou, tout du moins, de permettre des petits rien que le marché du livre n’autorise pas. L’absence régulière de crédits sur les couverture s ou la multiplicité et l’originalité des formats et découpes sont des exemples de ces contraintes qui, mine de rien, dressent une ligne éditoriale forte.
Pour nous présenter le collectif, nous avons rencontré Sébastien Desplat. Si son nom n’a pas encore été cité, c’est qu’il n’intègre l’équipée artistique qu’en 2013. Sébastien travaille pour La Métairie Bruyère, Centre d’Arts de Bourgogne ainsi que pour les éditions R.L.D. qui lui sont associées. Nous avons eu le plaisir d’être accueillis dans son atelier d’impression où l’on trouve notamment une imposante et vénérable presse qui lui sert pour la gravure. Nul doute que cet artisan imprimeur passionné aura su apporter sa dose de savoir-faire dans le domaine de la fabrication et du façonnage. Précisons d’ailleurs que, si tous les membres de 3FPJ endossent le rôle d’éditeur, Sébastien se charge en plus des parties logistiques, administratives et Clément Vuillier de sa compta. Du moins jusqu’à l’arrivée du bienfaiteur Christophe Gomes que nous évoquerons plus tard.
En 2017, les talentueux jeunes gens se font exposer à la galerie Arts Factory, qui est aussi une librairie parisienne d’excellente facture. 3FPJ aime accompagner ses ouvrages d’expositions prolongeant l’expérience du livre et, pour se faire ils font généralement appel à l’œil et l’expertise d’un candidat extérieur qui complétera l’œuvre de sa vision. Dans le cas de cette exposition particulière, ce regard fut celui de la designer Jenna Kaes. Notons qu’à cette époque, le pool d’artiste de 3FPJ s’est enrichi de la présence de Yann Kebbi & Baptiste Virot, deux illustrateurs uniques aux styles somptueux qui ont le bon goût de savoir également raconter les histoires. Et en passant, plus tôt dans la vie de l’association, était aussi passé par là l’artiste Jérémie Fischer. Pour dire tout cela beaucoup plus vite : si on lorgne du côté de 3FPJ, on voit du beau monde.
Mais je m’égare alors reprenons. En 2017 donc, il y a cette exposition et l’accompagne un ouvrage conséquent qui retrace les travaux de la maison ainsi que quatre livres-posters, un par artiste. Au terme de la préparation, il est clair qu’il s’agira certainement des derniers méfaits de la maison d’édition. C’est presque le cas puisque seulement deux livres sortent l’année suivante.
Non, en réalité ce n’est pas du tout le cas. 2020 arrive et avec elle le confinement. En mars de cette année Sébastien a le temps de réfléchir et décide de remettre le couvert et de relancer la machine. En plus de Clément & Idir, Christian Gomes & Angélique Dufour ont aujourd’hui rejoint le bateau. Le premier est chargé du suivi & développement de la maison dédition, qui semble avoir mis les mains dans le cambouis avec tant de ferveur que 3FPJ repart sur des bases plus solides que jamais. La seconde, éditrice apporte un peu de sang jeune à cette troupe de trentenaires et s’occupe de la partie financement et distribution.
De nouveaux projets sont en routes, de nouveaux livres arrivent, de nouveaux artistes sont de la partie et ça sent globalement très bon. Tout cela devrait démarrer en 2021 et en attendant, piochez dans le catalogue passé, il y a de quoi se faire plaisir.
Enfin pour terminer, je vais aller à la facilité, car j’ai été déjà beaucoup trop long, et je vais citer Clément Vuillier pour donner un peu de contexte au fanzine que vous recevez. Quand lui a été demandé une explication de son titre l’Oracle de Delft sa réponse a été : « c’est un mélange entre Oracle de Delphes, qui prédisait le futur dans la Grèce antique et Delft, la ville des Pays-Bas, en référence à la peinture flamande des cieux … ».